"Je n’ai cessé d’être surprise par l’immense liberté que les bourses ERC offrent"

INTERVIEW - Géraldine Le Roux, maîtresse de conférences au Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) de l'UBO, a obtenu en 2023 une bourse ERC Consolidator pour son projet OSPAPIK : "Ocean and Space Pollution, Artistic Practices and Indigenous Knowledges".
Avec l'aimable autorisation de Mathieu Le Gall

Pouvez-vous présenter votre projet ERC en quelques mots ?

L’acronyme OSPAPIK est pour « Ocean and Space Pollution, Artistic Practices and Indigenous Knowledges », en français : « Pollution des océans et de l’espace, pratiques artistiques et savoirs autochtones ».

OSPAPIK se consacre aux arts contemporains autochtones et aux artistes autochtones et non-autochtones qui mobilisent des savoirs autochtones. À quel titre et comment les connaissances, les savoir-faire, la créativité et la mémoire des peuples autochtones sont-ils mobilisés pour répondre aux crises environnementales actuelles, notamment celles relatives aux espaces dits éloignés de la terre, à savoir l’océan et l’espace ?

Intégrant des chercheurs en anthropologie, philosophie, études littéraires, histoire, astronomie culturelle et recherche-création, le projet OSPAPIK a été conçu pour analyser rigoureusement et conjointement 1/ les motifs et les compositions élaborés autour des pollutions marine et spatiale et 2/ la manière dont les artistes utilisent les déchets et débris provenant de l’océan et/ou de l'espace extra-atmosphérique comme matériau artistique.

Le projet vise à étudier comparativement les relations affectives, professionnelles, sensorielles et historiques nouées avec les débris et déchets marins, nucléaires et spatiaux, que l’art révèle et éclaire.

Comment s’est déroulée la préparation de votre projet ? Qu’est-ce qui vous a le plus surprise/étonnée ?

Ma première réunion de travail pour poser les jalons de ce projet s’est déroulée deux ans avant le dépôt de projet. J’y ai exposé mes intuitions et possibilités de recherche, et le retour positif m’a motivée à les travailler pendant six mois. Une période exaltante où le maître mot était « tout est possible, ne pas se limiter ». Ensuite, une importante partie du travail a consisté à monter le projet de recherche par rapport aux principes et règles de l’ERC Consolidator, en prenant conseil auprès de la représentante à l’UBO de la 2PE et d’anciens lauréates et chercheurs associés à des projets ERC. J’ai aussi consulté et testé mes hypothèses auprès de spécialistes de domaines et aires culturelles sur lesquels je voulais travailler. La somme de travail fut considérable et avoir été entourée tant pour la partie scientifique qu’administrative m’a permis de tenir le cap. Après que le dossier a passé l’étape 1, puis l’étape 2, je me suis investie dans la préparation à l’oral. Sur une idée du pôle Langues de l’UBO et avec le soutien financier de mon laboratoire, le CRBC, j’ai repris des cours d’anglais pour affiner ma perception des différents accents du monde et la compréhension en visio – puisque l’oral de l’ERC ne se tient désormais plus en présentiel à Bruxelles. J’ai aussi consacré des centaines d’heures à imaginer des questions et à synthétiser mes réponses, de façon à ce qu’elles soient compréhensibles à un jury de non-experts. Tout ce travail considérable, j’ai pu le mener sur cette longue période grâce aux conseils avisés et à la précieuse bienveillance d’une collègue. J'ai retrouvé cette idée d’une personne "idea bouncer" dans un lien qui m'a été très utile: http://www.couvreurlab.org/news/my-long-road-to-an-erc-consolidator-grant-2019

Je n’ai cessé d’être surprise par l’immense liberté que les bourses ERC offrent, tant d’un point de vue du montage administratif que scientifique, en partie reflétée par leur motto, « think big » et « high risk, high gain ».

Si vous deviez donner un conseil à de futur.e.s candidat.e.s, ce serait...

J’aurais trois conseils :

N’hésitez pas !

À mes collègues des SHS, je préciserai que sur ses 1500 Lauréats ERC (depuis 2007) la France ne compte que 14% de SHS et à l’échelle européenne pour la promotion 2023, 97 projets margeaient dans nos disciplines.

Enfin, j’inviterais aussi les chercheuses à postuler car là aussi les chiffres sont bas, sachant qu'encore plus rares sont les enseignantes-chercheuses MCF lauréates.